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Sportifs : les produits laitiers pour récupérer du muscle

Brèves scientifiques
Publié le 22/12/2014
Modifié le 14/05/2021
Modifié le 14/05/2021
Temps de lecture : 10 minutes

Le CERIN pose 3 Questions au Pr Xavier BigardQuel que soit le sport pratiqué, la période de récupération immédiate après l’entraînement ou l’épreuve est primordiale aux yeux des nutritionnistes. Les apports de glucides sont en première ligne, mais depuis les années 80 des travaux ont attiré l’attention sur le rôle des protéines dans la ration de récupération. Pour quelles raisons ?

Xavier Bigard : La pratique régulière de l’exercice physique, quel que soit son type, augmente les besoins en protéines. Cette augmentation des besoins, liée à l’intensité de l’exercice, sera un peu plus importante pour les activités comme la musculation que pour les activités d’endurance telles que le jogging, la course, la randonnée, le cyclisme ou la natation…
Mais elle a pour origine le même mécanisme lié à la déstabilisation de l’équilibre du muscle. La masse musculaire résulte toujours d’un équilibre entre des protéines qui se construisent et des protéines qui se détruisent tout au long de la journée, et en particulier durant l’exercice. Pendant l’effort physique, il y a une accélération de tous les processus qui vont détruire les protéines musculaires. En parallèle, la construction des protéines musculaires diminue.
Dès la fin de l’effort, la destruction des protéines du muscle perdure un peu, tout en se réduisant. Mais surtout, la construction musculaire redémarre de manière très importante. C’est la période cruciale où il convient d’avoir une parfaite disponibilité en acides aminés essentiels, nécessaires à la construction des protéines du muscle. Pour cette phase capitale de récupération, on sait aujourd’hui qu’il faut apporter des protéines. Des études montrent que l’addition des protéines et des glucides, en phase de récupération, est supérieure aux glucides seuls pour la reconstruction des protéines musculaires. Pour un sportif, ne pas couvrir ses besoins en protéines aura des conséquences sur le développement de la masse musculaire : les réponses à l’entraînement seront moins complètes et moins efficaces, et ce constat reste valable pour toutes les disciplines sportives, chez les professionnels comme chez les amateurs.

Quelles protéines sont nécessaires ?

XB Cette question est essentielle, et on a maintenant une idée beaucoup plus claire du type de protéines qu’il faut privilégier pendant cette période. Il faut tout d’abord des protéines dont plus de 40% de leurs acides aminés, sont des acides aminés essentiels. Il faut ensuite que parmi ces acides aminés essentiels, on ait au minimum 20% de leucine, un acide aminé qui joue un rôle essentiel pour les synthèses en protéines de structure du muscle.
Il faut enfin que ces protéines soient facilement digestibles, et que leurs acides aminés soient rapidement disponibles dans l’organisme. Pour cette dernière qualité, on a pu identifier et classer les protéines d’origine alimentaire en protéines dites « rapides », dont les acides aminés vont être très rapidement disponibles dans l’organisme, et protéines « lentes » dont la disponibilité des acides aminés sera décalée dans le temps. En jouant sur cette cinétique très différente des protéines, on peut répondre à la fois aux besoins à court terme et à une couverture à moyen terme (quelques heures).
Ainsi, avec les protéines du lactosérum (le petit lait), la disponibilité en leucine est bonne et rapide, dès 20-30 minutes. Par contre, avec la caséine, protéine lente, on a une disponibilité beaucoup moins rapide des acides aminés, mais des effets intéressants à plus long terme : 3 à 5 heures après l’ingestion de caséine, la concentration du sang en leucine est bien meilleure qu’avec le lactosérum. Le lait est donc un aliment idéal pour le muscle, car les deux types de protéines qui font partie de sa composition ont un intérêt complémentaire: le lactosérum (20 % des protéines du lait) assure les besoins à court terme, la caséine (80 % des protéines du lait) les besoins à moyen terme. De plus, le lait apporte des glucides (50 g/L de lactose composé de galactose et de glucose), et du calcium (1,2 g/L) dont la biodisponibilité est excellente.
Enfin, c’est une boisson de récupération très économique : le lait est très peu cher par rapport aux préparations spécifiques pour sportifs. Notamment par rapport à ces poudres que l’on trouve dans le commerce et qui contiennent … des protéines du lait !

Y a-t-il d’autres solutions que les produits laitiers et quelles quantités sont nécessaires au sportif ?

XB Les besoins augmentés en protéines chez le sportif sont spontanément couverts par l’alimentation.
Les protéines de soja ont pu être préconisées, mais leur disponibilité dans l’organisme est moindre que celle des protéines animales. Après consommation de protéines du lait, la synthèse des protéines musculaires est plus importante. Des études comparatives menées sur 3 mois ont montré que la consommation de protéines laitières après l’entraînement augmentait de manière significative la taille des fibres des muscles et était d’une efficacité supérieure aux protéines de soja sur le développement de la masse et la force musculaires.
Quant aux quantités, une « dose » de 15-20 g de protéines suffit généralement en post-entraînement dans les cas les plus courants. Soit un demi-litre de lait ou son équivalent en produits laitiers divers : fromage blanc ou yaourts. Cette collation sera accompagnée de fruits, pour les glucides, qui permettent la récupération du glycogène des muscles. Elle est valable pour tout sportif d’endurance qui s’entraîne quelques heures par semaine. Les quantités seront légèrement supérieures pour les activités de musculation ou les sports comme le rugby, où la masse musculaire des sportifs peut justifier jusqu’à 25-27 g de protéines, soit l’équivalent de plus d’un demi-litre de lait. Mais on atteint assez vite un effet-seuil, où les apports supplémentaires de protéines ne servent à rien. C’est pourquoi, plutôt que d’augmenter les quantités de protéines consommées, on insiste maintenant sur l’optimisation des apports, en jouant sur la qualité des protéines, leur association à des glucides, et le moment optimal pour les apporter. Dans tous les cas, il est possible, et vivement conseillé, de compter sur les sources alimentaires et de jouer sur la gamme des produits laitiers, en fonction des goûts de chacun…

Pr Xavier Bigard –  Professeur agrégé du Val-de-Grâce, Département Recherche INSEP, Conseiller scientifique du président de l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD)