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Cuisine système D

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Publié le 29/02/2016
Modifié le 22/04/2021
Modifié le 22/04/2021
Temps de lecture : 11 minutes
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Cuisine étriquée, budget serré, manque de temps ou de motivation… autant de raisons qui rebutent certains pour cuisiner au quotidien. Rares sont les passionnés de cuisine, adeptes d’une cuisine maison, qui réussissent à exercer leur art avec des moyens très modestes. Comment réussir à suivre une recette qui donne envie mais dont la liste d’ingrédients est longue et qui requiert un certain matériel ? C’est la quintessence de la cuisine populaire : faire bon et beau avec peu. Voici comment tirer profit de tout ce qu’on a sous la main, en particulier les emballages alimentaires.A lire aussi dans Alimentation Santé & Petit Budget n°70.

Constat sociétal

Depuis 1988, le CREDOC réalise régulièrement des études quantitatives, basées sur une méthode d’analyse lexicale, et spécifiquement centrées sur les représentations sociales du « bien manger ». La huitième vague d’enquête, conduite en 2013 auprès de 1 200 ménages.
En 2013, à la question « pour vous, qu’est-ce que bien manger ? », les femmes ont utilisé des mots du champ lexical de la nutrition et de la diététique (« légumes », « protéines », « laitiers »). Cette relation à l’alimentation, s’explique de façon anthropologique. La mère, et ce dans toutes les cultures, sécurise son enfant en le nourrissant et notamment dès la naissance en l’allaitant. Puis elle garde ce rôle de prévention en santé au sein de la famille. Les femmes sont alors nettement plus sensibles aux liens entre alimentation et santé, d’où leur forte réceptivité vis-à-vis des recommandations nutritionnelles. Leurs représentations font d’ailleurs  apparaître les « bons » aliments en termes de bienfaits pour le corps.
Quant aux hommes interrogés, ils ont privilégié des termes exprimant les notions de « satiété, goût et convivialité ». Ils citent aussi de façon privilégiée leur femme (et plus particulièrement leur cuisine) comme «  édificatrice de leur représentation du bien manger ». Le stéréotype de la reproduction de la cuisine maternelle comme définition de « la seule vraie cuisine » perdure. 
Pour ce qui est des catégories socio-professionnelles, les contrastes étaient marqués entre les agriculteurs exploitants (idées de variété et de saveurs), les cadres et professions intellectuelles supérieures (« bonnes choses », « bio », « vin »), les cadres moyens et professions intermédiaires (« cuisine », « saine »), les employés (registres de la nutrition et de la diététique) et les ouvriers (« copieux », « correctement », « chez soi »). Les agriculteurs exploitants sont principalement caractérisés par deux formes du bien manger « pas toujours la même chose ».
Au-delà de ces différences, le CREDOC considère qu’existaient six classes de représentations du « bien manger », à savoir : « manger équilibré » (25 %), « privilégier tels plats et aliments » (21 %), « acte social » (20 %), « fait maison » (15 %), « manger à satiété » (11 %), « discours nutritionnel » (8 %).
Enfin,  le plaisir de manger (« faim », « aimer », « manger », « agréable », « content »,« bouffer») fusionne avec le plaisir de  l’acte social ( « temps », prendre », « famille », «  ami », retrouver », « ensemble », « sortir »). Les auteurs de l’étude suggèrent donc de s’appuyer sur la convivialité pour « transmettre des comportements régulés conduisant à une alimentation saine ». Mais comment partager des repas sortant de l’ordinaire quand les moyens (budgétaires et matériels) sont faibles ?

Du dîner presque parfait à la cuisine astucieuse

Aujourd’hui, la cuisine telle qu’elle est pratiquée fait l’éloge du faire et du faire valoir. Elle apparait élitiste. Préparer un repas, surtout pour des invités, est assimilé à une activité performante. A l’instar du sport, cela nécessiterait discipline, entraînements, endurance, équipement(s) voire coach ! Décrypter les enseignements des émissions télévisuelles culinaires avec un groupe de personnes se déclarant « nulles en cuisine » se révèle très productif. En effet, elles associent souvent la cuisine avec l’exercice de l’art des Chefs- domaine plutôt masculin d’ailleurs-  ou « chasse gardée » des femmes nourricières.
La prétendue valorisation du « c’est moi qui l’ai fait» s’avère donc obsolète auprès de personnes s’estimant peu ou vivant mal les choix alimentaires contraints. D’ailleurs certaines personnes s’inscrivent aux ateliers cuisine, non pas pour apprendre à cuisiner mais pour se satisfaire de recettes concoctées avec presque rien. C’est donc là que réside le ressort des initiatives destinées à aider les personnes réticentes : leur faire expérimenter qu’elles peuvent y arriver et y trouver de la satisfaction en dépassant leurs peurs de mal faire, de rater ou d’être jugées. 
La quête du « sensationnel » s’oppose donc à la cuisine familiale, sans  chichi,  lieu de partage et de transmission. D’ailleurs  comme le rappelle Patrice Duchemin, sociologue de la consommation : « la cuisine populaire revendique l’imperfection, l’imprécision, le mélange des genres, le droit de modifier les règles et se veut comme une cuisine vivante, spontanée, intuitive, créative et chaleureuse. Elle s’improvise, se ressent, se réinvente chaque jour. C’est parce qu’elle a réussi à s’affranchir des contraintes imposées par une quête illusoire de la perfection qu’elle traverse le temps sans perdre de sa séduction. ».

Du superflu à l’astucieux :

Au-delà du réfrigérateur vide, au quotidien, se pose  la question récurrente de savoir quoi manger pour ne pas avoir faim, se faire du bien et satisfaire le plus grand nombre.  Grâce à des aliments de base, il est tout à fait possible de (se) régaler. Encore faut-il valoriser ces aliments bruts aux emballages parfois jugés peu attractifs que sont le lait, les produits laitiers, les œufs,  les conserves (poissons, légumes et légumes secs…).
Dans notre société de consommation, tout est fait pour considérer que cuisiner avec peu d’ingrédients et sans l’aide d’un arsenal électroménager encombrant, énergivore et coûteux était impossible! Pourtant nombreuses sont les recettes publiées mettant en avant la possibilité de ne compter que sur 3 (maximum 4) ingrédients. Côté matériel, des ustensiles de base (économe, passoire, casseroles…) sont certes indispensables, mais la mode culinaire n’a de cesse de créer des besoins : blender pour smoothie, cuit -vapeur électrique, appareil à crêpes individuelles, machines à pain, à soupe, moules divers et variés….
A l’usage, il semblerait que nombre d’ustensiles restent au fond des placards pour finir par tomber aux oubliettes. Il arrive aussi qu’ils soient ressortis pour une occasion, celle de faire des adeptes …pour exemple, l’appareil à fondue au chocolat, quand il ne s’agit pas de fontaine à chocolat, destiné à égayer une manifestation, créant des envies et des achats impulsifs lors d’une vente promotionnelle chez un discounter. Au sein des ateliers cuisine, des démonstrations, séances de dégustation (distribution alimentaire, forum santé, animations…) quels ustensiles sont mis à l’honneur ? Soyons vigilants ! Allons à l’essentiel.

Des emballages à usage culinaire

Si les produits alimentaires habituels se révélaient être des aides en cuisine ? En ces temps où la chasse au gaspillage et l’alimentation durable sont mis en avant, il est judicieux d’offrir une seconde vie aux emballages alimentaires. La preuve par 3 : recyclage, praticité, ingéniosité !
A ce sujet, Martine Camillieri, auteure, plasticienne et scénographe, en est une source d’inspiration jubilatoire. Sa philosophie: « Saisir la beauté des choses simples et éphémères, jouer avec les objets, les détourner de leur fonction première, leur redonner une nouvelle vie, éveiller l’appétit et le goût au quotidien, créer des tables gourmandes et inventives.»