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Tempête dans 3 verres de lait…

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Publié le 21/11/2014
Publié le 21/11/2014
Temps de lecture : 5 minutes
Aliments

La récente publication, dans le British Medical Journal, d’une étude épidémiologique suédoise concernant la relation entre consommation de produits laitiers, mortalité et fractures chez les femmes* a donné lieu à un incroyable déferlement médiatique. Sans entrer dans les discussions méthodologiques et les biais bien connus inhérents à ce type d’études, cette histoire mérite quelques réflexions.

Il est évident qu’aucun « journaliste » n’a pris la peine de lire la publication en question avant de prendre la plume.

Car que dit cette étude en substance ? Deux choses :

  1. la consommation de yaourts, laits fermentés et fromage est associée à une diminution significative de la mortalité totale et du risque de fracture
  2. la consommation quotidienne d’au moins 3 verres de lait est associée à une augmentation de la mortalité et de l’incidence des fractures.

Trois verres, oui, mais de quelle taille ? Il suffit de chercher la réponse dans le corps de l’article : un verre égale 200 ml, soit un total de plus de 600 ml de lait chaque jour, ce qui parait beaucoup et devrait attirer l’attention. A ce stade, normalement, une question vient immédiatement à l’esprit : combien les Français et les Françaises consomment-ils de lait ? La réponse est là aussi facile à trouver : 100 ml environ, les femmes 102 ml et les hommes 108 ml pour être précis.
Que suggère donc réellement cette étude, dont les auteurs eux-mêmes disent qu’elle doit être interprétée avec prudence et analysée en fonction des autres études disponibles (dont certaines disent exactement le contraire) ?

  1. que l’excès n’est pas une bonne chose. Même si l’éventuel effet délétère d’un excès de consommation de lait doit être confirmé (ou infirmé), on ne peut qu’être d’accord avec cette assertion. En matière d’alimentation mais aussi d’information…
  2. que les yaourts, produits laitiers fermentés et fromages sont plutôt bons pour la santé et l’espérance de vie.

Ce qui est parfaitement en accord avec les données issues de la célèbre étude française MONICA présentées au dernier congrès de la société européenne de cardiologie :

Les consommateurs de produits laitiers – pris en totalité ou séparément – ont une mortalité totale (et essentiellement cardio-vasculaire) diminuée de 40%.La consommation « optimale » correspond à : un verre de lait (français ! soit 150 ml), 1 yaourt et 1 à 2 parts de fromage. Soit les recommandations du PNNS.

On sait bien que les messages anxiogènes font vendre plus que les messages de modération et d’équilibre alimentaire. Mais n’est-on pas en droit d’attendre un peu de rigueur de la part de professionnels de l’information ?

Docteur M.C.Bertière
Directeur du CERIN

* Michaëlsson K et al. Milk intake and risk of mortality and fractures in women and men: cohort studies. BMJ2014; 349 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.g6015 (Published 28 October 2014)