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Considération de l’alimentation durable chez les personnes en situation d’insécurité alimentaire

Brèves scientifiques
Publié le 22/04/2024
Publié le 22/04/2024
Temps de lecture : 7 minutes
Young woman doing grocery shopping at the supermarket, she is pushing a full trolley and holding a shopping list, close up
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Si les personnes en situation d’insécurité alimentaire accordent de l’importance aux dimensions nutritionnelles, socioéconomiques et socioculturelles associées au concept d’alimentation durable, elles prennent moins en considération la dimension environnementale de l’alimentation.

Le concept d’alimentation durable repose sur quatre grands piliers : l’environnement, la nutrition/santé, l’économie et le socio-culturel. Quelle place les personnes en situation d’insécurité alimentaire donnent-elles à ces différentes dimensions de l’alimentation durable ? Une étude qualitative réalisée en France auprès de 29 utilisateurs d’une épicerie sociale et solidaire tente de répondre à cette question. Les chercheurs ont interviewé les participants dans l’objectif d’identifier leurs valeurs associées à l’alimentation et les éventuels écarts entre ces valeurs et leurs comportements effectifs.

Les auteurs mettent tout d’abord en avant le fait que le concept d’alimentation durable n’est pas familier pour la majorité des participants à l’étude. Cependant, les valeurs décrites par les personnes interviewées sont en lien direct avec les grands piliers de l’alimentation durable.

  • La valeur nutrition / santé est la plus citée par les participants.

La figure 1 illustre cela ; elle montre à quel point la nutrition et la santé sont importantes pour cette population dans la description de ce que signifie « bien manger » ou « mal manger ». Les participants accordent en particulier beaucoup de valeur à la consommation de fruits et de légumes, à l’équilibre des repas et à la diversité alimentaire. Ce résultat confirme, selon les auteurs, que les personnes en situation d’insécurité alimentaire ont conscience de l’importance de l’alimentation pour être en bonne santé et disposent des connaissances nutritionnelles adéquates.

  • Le caractère naturel de l’alimentation.

Ces derniers accordent de l’importance en particulier au caractère naturel des méthodes agricoles, de la production des aliments et à la naturalité du produit fini. Les personnes en situation d’insécurité alimentaire interrogées valorisent particulièrement les produits frais et les plats faits maison et ont tendance à critiquer les procédés industriels. Par ailleurs, ils accordent une attention particulière à l’origine des aliments et font plus confiance aux productions locales.

  • La solidarité et la responsabilité individuelle vis-à-vis d’un système alimentaire plus juste.

Parmi les thèmes les plus fréquemment évoqués par les participants durant les interviews, on peut relever l’importance de partager l’alimentation avec autrui et celle de ne pas gaspiller la nourriture.

  • Le plaisir.

La priorité des qualités organoleptiques des aliments est très souvent citée pendant les entretiens. Les auteurs évoquent aussi l’importance donnée à la structure des prises alimentaires, tant au cours de la journée (3 repas par jour) qu’au sein d’un même repas (entrée, plat, dessert).

Si les dimensions nutritionnelles, socioéconomiques et socioculturelles associées au concept d’alimentation durable semblent donc importantes dans les valeurs alimentaires des personnes en situation d’insécurité alimentaire, la dimension environnementale est, quant à elle, assez peu prise en considération par cette population.

Les auteurs ont ensuite examiné les écarts existant entre ces valeurs et les comportements effectifs des participants. Il apparaît que la dimension économique est le principal obstacle empêchant les personnes interrogées d’avoir des comportements en cohérence avec leurs valeurs alimentaires. Les auteurs rapportent en effet le prix élevé de certains aliments comme les fruits, les légumes, la viande ou le poisson ou encore celui des aliments issus de l’agriculture biologique. Un autre frein empêchant les participants d’agir en adéquation avec leurs valeurs est lié à l’environnement urbain dans lequel ils vivent rendant difficile ou impossible la réalisation d’un potager, le compostage des déchets, ou encore le partage de nourriture avec les voisins. Pour conclure, les auteurs insistent sur le fait que, même si la plupart des dimensions de l’alimentation durable sont prises en compte par les personnes en situation d’insécurité alimentaire, ces dernières ne se considèrent pas comme des acteurs potentiels de la transition nutritionnelle. Les auteurs invitent les futures interventions auprès de ces populations à prendre en considération ce sentiment déclaré d’impuissance.

VERDEAU, B. & MONNERY-PATRIS, S. When food is uncertain, how much does sustainability matter? A qualitative

exploration of food values and behaviours among users of a social grocery store. Appetite, 2024, 194, 107175, doi: 10.1016/j.appet.2023.107175.