Près de 4 000 participants issus de 117 pays se sont réunis du 24 au 29 août dernier à Paris dans le cadre de l’International Congress of Nutrition (ICN), organisé par l’International Union of Nutritional Sciences (IUNS). Ce congrès qui a lieu tous les quatre ans regroupe des experts en nutrition des cinq continents. Nous vous proposons un focus sur deux conférences traitant de la thématique de l’inflammation et de ses liens avec l’alimentation.
La diète anti-inflammatoire existe-t-elle ?
Dans cette conférence, Philip Calder (Southampton, Angleterre) fait le point sur ce qu’est l’inflammation et sur les rôles potentiels de l’alimentation dans l’apparition et la modulation d’états inflammatoires.
L’inflammation est une réponse physiologique à des éléments déclencheurs tels qu’une infection bactérienne, une lésion tissulaire ou encore un stress métabolique. La réponse inflammatoire fait donc partie du système de défense et de réparation de l’organisme. Si les cinq signes cardinaux de l’inflammation sont la rougeur, la chaleur, la douleur, le gonflement et la perte de fonction, on peut détecter l’inflammation par la mesure de biomarqueurs sanguins, en particulier la concentration sanguine en Protéine C-réactive (CRP). Les 3 phases normales d’une inflammation aiguë sont l’initiation, la propagation, puis la résolution. En cas d’absence de résolution, on parle alors d’inflammation chronique qui peut mener à des modifications métaboliques, des atteintes tissulaires, des pathologies telles que la polyarthrite rhumatoïde, des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou encore des allergies.
L’inflammation chronique de bas grade est un type d’inflammation persistante, faible, mais continue, qui se distingue de l’inflammation aiguë classique décrite précédemment par son intensité modérée et sa longue durée. Il s’agit d’une inflammation silencieuse qui favorise le développement de maladies chroniques et métaboliques : athérosclérose, insulino-résistance et diabète de type 2, déclin cognitif, cancer ou encore affaiblissement du système immunitaire. Le vieillissement est associé à une augmentation du risque d’inflammation chronique de bas grade, même en absence d’infection. On parle alors « d’inflammaging », une situation inflammatoire qui accentue la vulnérabilité aux infections et augmente le risque de maladies chroniques chez les personnes âgées.
Si l’alimentation peut favoriser un état inflammatoire, elle peut aussi avoir un rôle bénéfique dans la modulation de cette inflammation. Parmi les composés alimentaires pro-inflammatoires, on peut citer les allergènes alimentaires (chez les personnes allergiques), les composés qui favorisent l’oxydation (produits de glycation avancée, lipides oxydés), les précurseurs de molécules pro-inflammatoires (comme l’acide arachidonique), ou encore les éléments favorisant une dysbiose, tels que les sucres libres. A l’opposé, de nombreux composés alimentaires jouent un rôle protecteur vis-à-vis de l’inflammation. On peut citer en particulier les polyphénols, les acides gras oméga-3 qui sont des précurseurs de médiateurs anti-inflammatoires, les antioxydants (vitamines, minéraux) ou encore les éléments favorisant un microbiote intestinal en bonne santé : fibres ou certains oligosaccharides comme les fructo-oligosaccharides ou les galacto-oligosaccharides.
Au vu de ces données, Pr Calder souligne le fait qu’une alimentation anti-inflammatoire ne diffère pas des régimes alimentaires déjà préconisés pour rester en bonne santé, tels que la diète méditerranéenne, le régime DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension), le régime nordique ou encore le régime asiatique traditionnel. Plus spécifiquement, la consommation de certains aliments a été associée à une inflammation plus basse : les céréales complètes, les légumes, les fruits, le poisson, les noix ou encore certaines baies. A contrario, le suivi d’une diète occidentale riche en sucres ajoutés, en viandes rouges et pauvre en fibres est associé à une inflammation chronique de bas grade plus fréquente.
Pour conclure, Pr Calder insiste sur le rôle clé de l’alimentation pour prévenir et limiter l’inflammation chronique de bas grade, en particulier chez les personnes âgées, ainsi que sur l’importance d’avoir un microbiote intestinal sain pour se protéger de l’apparition d’états inflammatoires.
Quels sont les liens entre une alimentation pro/anti-inflammatoire et les maladies cardiovasculaires ?
Pour quantifier l’exposition individuelle aux facteurs pro et anti-inflammatoires, des scores spécifiques relatifs aux habitudes alimentaires (Dietary Inflammation Score : DIS) et au mode de vie (Lifestyle inflammation Score : LIS) ont été créés. Ces scores sont significativement associés aux marqueurs sanguins de l’inflammation tels que la CRP.
Parto Hadaegh (Téhéran, Iran) examine les liens entre ces deux scores et les maladies cardiovasculaires au sein d’une cohorte américaine de 5 866 participants âgés de plus de 45 ans et suivis pendant une durée médiane de plus de 14 ans.
La chercheuse décrit tout d’abord les 19 composantes prises en compte pour la réalisation du score alimentaire d’inflammation (DIS) et les 4 composantes du score inflammatoire lié au mode de vie (LIS). A noter que les poids des différentes composantes sont différents pour le calcul des scores finaux : ils dépendent de la force de l’association de la composante spécifique avec les biomarqueurs de l’inflammation. Pour le DIS, la consommation des aliments pris en compte est décrite dans le tableau 1. Pour le score LIS, les 4 composantes considérées sont l’indice de masse corporelle (IMC), l’activité physique, le statut tabagique et la consommation d’alcool.
Pendant la période d’étude, 822 participants ont présenté au moins un événement cardiovasculaire. Les résultats mettent en évidence un lien significatif entre le score alimentaire DIS et l’incidence d’un événement cardiovasculaire. Plus précisément, les participants ayant un score inflammatoire alimentaire plus élevé (appartenant au 5e quintile) présentent un risque 30 % plus élevé de développer un problème cardiovasculaire que ceux appartenant au 1er quintile. Cette hausse de risque s’élève même à 50 % dans le cas des événements cardiovasculaires les plus graves : infarctus du myocarde, décès par AVC ou décès par maladie coronarienne. A noter également que la force de l’association est plus élevée dans la catégorie des personnes en surpoids, comparativement à celles présentant un poids normal.
Le score inflammatoire lié au mode de vie est quant à lui significativement associé à la survenue d’un seul événement cardiovasculaire : l’insuffisance cardiaque. En effet, les participants ayant un score LIS dans le quintile le plus élevé présentent un risque 75 % plus élevé de développer une insuffisance cardiaque.
Pour conclure, la chercheuse souligne qu’à la vue de ces résultats, l’inflammation pourrait être un élément mécanistique majeur expliquant le lien entre l’alimentation et le risque cardiovasculaire.