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Le « manger-mains », une solution à la dénutrition ?

Brèves scientifiques
Publié le 21/01/2019
Modifié le 10/05/2021
Modifié le 10/05/2021
Temps de lecture : 5 minutes

En France, 45,6% des personnes âgées en EHPAD seraient dénutris, dont 12,5% présentant une dénutrition sévère. Le « manger-mains » semble être une solution permettant d’améliorer, au moins à court terme, le statut nutritionnel et la qualité de vie des patients institutionnalisés et qui ont perdu leur autonomie alimentaire.

Une équipe pluridisciplinaire a évalué pendant 7 mois (de mars à septembre 2017) l’impact de la mise en place d’une alimentation de type « manger-mains » sur le statut nutritionnel et la qualité de vie de 47 résidents de 5 EHPAD de Vendée.

Les résidents ont été répartis dans 2 groupes randomisés, l’un continuant à recevoir l’alimentation mixée normale, l’autre bénéficiant d’une déclinaison de ce repas habituel sous la forme de bouchées cubiques (obtenues grâce à l’utilisation de gélifiants végétaux ou d’un liant de type blanc d’œuf). La composition en calories et en protéines est identique pour les 2 groupes.

L’âge moyen des résidents inclus est de 83,7 ans avec 72% de femmes ; 81,4% des résidents présentent une démence. L’IMC moyen est de 24,2 kg/m2, 2/3 du groupe est à risque de dénutrition et 35,7% présentent une dénutrition modérée ; 32,6% souffrent de troubles de la déglutition et le score ESB moyen, mesurant l’autonomie autour du repas, est de 12.

La mesure des consommations a été réalisée mensuellement et sur 3 jours consécutifs : des photos des plateaux (avant et après consommation ainsi que de l’environnement) ont été prises puis analysées par 1 seule et même diététicienne. Elles ont permis l’évaluation des apports en calories et en protéines.

Malgré les sorties prématurées de certains résidents de l’étude (décès notamment) et la taille réduite de l’échantillon, l’analyse des ingestas montre que la réduction des apports caloriques est moindre dans le groupe « manger-mains » que dans le groupe témoin. Cette tendance est observée lors des 3 premiers mois, elle s’inverse ensuite. Le score ESB présente également une légère amélioration à 3 mois. Cette étude montre les limites dans le temps du « manger-mains » appliqué sur chaque composante des deux repas principaux. La saturation consécutive à cette standardisation ayant amené 27% des résidents du groupe intervention à avoir une perte d’appétit avec refus de tout ou partie de la prestation « manger-mains » à 3 mois.

La forme cubique unique des bouchées et l’amertume de l’enrichissement utilisé pourraient expliquer ce refus progressif malgré l’engouement suscité lors de son introduction. Par ailleurs, 69% des soignants interrogés se déclarent satisfaits du concept « manger mains » et 42% pensent qu’il est bénéfique pour le résident.

Un nouveau travail sur les qualités organoleptiques de l’offre (différentes formes, couleurs, réduction de l’amertume, etc.) pourrait permettre de l’optimiser.

Verbrugghe S. & al. Information Diététique 2018 ; 3 : 36-43.