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Le point sur la néophobie alimentaire chez l’enfant

Brèves scientifiques
Publié le 15/04/2024
Publié le 15/04/2024
Temps de lecture : 10 minutes
Nutrition healthy eating habits for kids concept. baby do not like to eat food. Little cute kid girl refuse unhappy and unlike to eat healthy food.
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La néophobie alimentaire peut avoir des impacts importants sur la qualité de l’alimentation des enfants. Parmi les stratégies qui peuvent limiter l’expression de ce trait, l’augmentation de la connaissance des aliments, les expositions précoces et répétées ou encore l’exemplarité des parents ou des pairs semblent les plus efficaces. 

La néophobie alimentaire est définie comme la peur de manger des aliments nouveaux ou inconnus, conduisant progressivement à une restriction du répertoire alimentaire de l’enfant. Ce concept est distinct du caractère « difficile à table » qui est défini comme le fait d’être très sélectif quant à la gamme d’aliments acceptés. Si dans la pratique, il est difficile de séparer la néophobie et le caractère difficile (car une fois qu’un aliment a été goûté, la distinction entre les aliments nouveaux et les aliments familiers devient une question de degré plutôt que de nature), des études ont montré que les deux entités sont prédites par des ensembles de facteurs différents. Une revue de littérature fait le point sur l’état des connaissances concernant la néophobie alimentaire chez l’enfant, en examinant particulièrement ses déterminants et les stratégies qui peuvent être utilisées pour surmonter les réactions néophobes. 

Les auteurs mettent tout d’abord en avant le fait que la néophobie (et/ou le caractère difficile) est associée à un apport alimentaire suboptimal qui pourrait entraîner une insuffisance pondérale et affecter la croissance. Concrètement, il a été montré que les enfants néophobes consomment moins de légumes et de fruits, moins de protéines et plus d’aliments « plaisir ». 

Le comportement de réticence ou de méfiance envers les aliments nouveaux apparaît entre 18 et 24 mois, avec une expression très marquée entre 24 et 36 mois, pour se stabiliser jusqu’à l’âge de 6 / 8 ans. Au-delà de cet âge, l’intensité tendrait à diminuer, même si des différences interindividuelles importantes sont rapportées. Les auteurs insistent sur la place des informations visuelles et olfactives dans la néophobie. En effet, le rejet de l’aliment se fait avant la mise en bouche ; il donc est suggéré que les indices olfactifs et visuels (odeurs, couleurs…) joueraient le rôle de système d’alerte, d’autant plus exacerbé que l’enfant est néophobe. Les auteurs font remarquer que l’on est donc loin de l’idée, parfois véhiculée par les parents, de l’expression d’un caprice ou d’une opposition de la part des enfants en présence d’un aliment nouveau, mais plutôt d’une prise en compte prudente des indices sensoriels susceptibles d’indiquer que des aliments sont inconnus, avant leur ingestion.  

La néophobie a souvent été associée à des tempéraments spécifiques chez l’enfant. Les auteurs relèvent en particulier : 

  • l’émotivité ; 
  • la timidité ; 
  • l’anxiété vis-à-vis des aliments ; 
  • ou encore le trait de « défense tactile » qui correspond à des réactions excessives aux expériences de toucher et des comportements de retrait ou d’évitement face à certains stimuli tactiles pourtant inoffensifs. 

Concernant les influences psychosociales sur la néophobie, la revue de littérature met en lumière l’importance de la sphère microsociale en pointant l’effet de « facilitation sociale » qui pourrait s’avérer être un des leviers pour stimuler l’acceptation d’aliments nouveaux par les plus petits, par mimétisme ou exemplarité. La néophobie est aussi sous l’influence de facteurs macrosociaux, notamment socioéconomiques. En effet, les parents à faible niveau de revenu peuvent parfois minimiser le risque de gaspillage alimentaire en achetant ce que leurs enfants apprécient déjà, en particulier des aliments riches en calories et pauvres en nutriments. Le style éducatif en matière d’alimentation jouerait aussi un rôle dans le développement de la néophobie : les styles « permissif » (cadrage faible de l’enfant et réceptivité forte au comportement de l’enfant) et « autoritaire » (cadrage fort et réceptivité faible) sont en effet significativement associés aux comportements néophobes, difficiles et sélectifs. Le style « démocratique » qui se traduit par des règles plutôt souples, adaptées et expliquées à l’enfant aurait quant à lui un effet plutôt positif. 

Pour finir, les auteurs décrivent quatre stratégies qui peuvent aider à surmonter les réactions néophobes chez les enfants : 

  1. augmenter la connaissance et la familiarité d’un aliment, sans le goûter, en proposant des premiers contacts visuels ou tactiles, sans incitation à goûter. Impliquer les enfants dans l’acte culinaire ou le jardinage peut par exemple aider à se familiariser avec les légumes ; 
  2. familiariser un enfant avec un aliment en lui donnant des occasions répétées de le goûter est probablement le moyen le plus simple de favoriser l’acceptation. A noter que la simple exposition suffit à faire augmenter l’envie de goûter et que mettre de la pression à l’enfant et lui proposer des récompenses sont des stratégies contre-productives. 
  3. exposer précocement un enfant à une variété sensorielle permet de limiter l’expression de la néophobie. L’allaitement maternel faciliterait l’acceptation de nouveaux aliments lors de la diversification ; 
  4. inciter son enfant à consommer de nouveaux aliments par le simple fait de l’exemplarité parentale ou par celle d’autres enfants du même âge. En grandissant, le rôle des pairs devient de plus en plus important, la reproduction des comportements des autres pouvant être un simple effet d’imitation, ou un effet de conformité sociale. 

En conclusion, les auteurs de cette revue de littérature mettent en avant l’importance de mieux comprendre les déterminants de la néophobie alimentaire chez l’enfant, afin d’aider les parents et les éducateurs dans l’appréhension de cette étape de l’enfance.  Des recherches sont encore nécessaires, par exemple pour examiner l’effet des différents environnements culturels sur l’intensité et l’expression de ce trait de tempérament au cours du développement.

NICKLAUS, S. & MONNERY-PATRIS, S. Comment la néophobie alimentaire affecte-t-elle l’alimentation de l’enfant ? Origine, développement et conséquences pratiques pour les parents et les éducateurs. Cahiers de nutrition et de diététique, 2024, doi: 10.1016/j.cnd.2023.12.003.