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Manger pour protéger la planète : attention à l’effet boomerang !

Brèves scientifiques
Publié le 07/11/2016
Modifié le 12/05/2021
Modifié le 12/05/2021
Temps de lecture : 8 minutes

Actuellement, les régimes alimentaires riches en produits d’origine végétale et pauvres en aliments d’origine animale font l’objet de beaucoup d’attention : ils semblent protéger l’environnement en limitant les gaz à effet de serre ou en réduisant l’utilisation des ressources en eau. Cependant, leurs conséquences sur la couverture des apports en macro et micronutriments de la population ne sont pas suffisamment connues.

Les données de l’étude NHANES 2007-2010 ont permis de connaître les consommations alimentaires et les apports en nutriments de la population américaine âgée de 2 ans et plus. Les résultats ont servi de base à l’étude présentée ici.

Ainsi, une équipe de chercheurs a modélisé 3 scénarios afin de mesurer l’impact d’une alimentation plus riche en végétaux ou en produits laitiers sur la couverture des besoins en macro et micronutriments de la population américaine.

Les chercheurs ont prévu une augmentation de 100% des consommations alimentaires rapportés par l’étude NHANES pour certains aliments :

  • Scénario 1 : augmentation des apports des produits végétaux compensée par une diminution des produits animaux pour un apport égal en énergie.
  • Scénario 2 : augmentation des apports de produits végétaux riches en protéines (légumineuses, graines, noix, soja) compensée par une diminution des produits animaux pour un apport égal en énergie.
  • Scénario 3 : augmentation des apports de produits laitiers (lait, yaourt et fromages)

Ces modifications sont identiques chez les enfants, les adolescents et les adultes, hormis pour les fruits dont la consommation augmente, dans le scénario 3, uniquement pour les adultes.

Concernant l’influence des différents modèles sur la couverture en nutriments, elle est différente entre les enfants et les adolescents d’une part, les adultes d’autre part.

Chez les enfants et les adolescents :

  • le scénario 1 entraîne une augmentation des apports en énergie, glucides, sucres ajoutés et fibres et une diminution des protéines, des lipides et des acides gras saturés : mais attention, le pourcentage d’enfants présentant des apports en protéines inférieurs au besoin nutritionnel moyen triple !
  • le scénario 2 ne modifie pas l’apport en macronutriment
  • le scénario 3 augmente tous les apports en macronutriments. Ce modèle permet de faire « tomber » le pourcentage des enfants avec des apports en protéines insuffisants à seulement 1% (contre 1,9% dans l’alimentation habituelle ou le scénario 2  et  5,6% dans le scénario 1).
    Concernant les micronutriments, le scénario 1 permet une baisse de 50 et 43% respectivement des sujets qui ne couvraient pas le besoin minimum en fer et en vitamine C mais le pourcentage de déficience en vitamine A, D et calcium augmente. Le scénario 2 n’entraîne encore pas de modifications notables concernant la couverture des besoins en micronutriments. Par contre le scénario 3 favorise la couverture des besoins en vitamines A, D, magnésium, calcium et potassium : ce « régime » permet une diminution de 33% des déficiences en vitamine D et de 55% pour le calcium.

Chez les adultes :

  • comme chez les enfants, le scénario 1 provoque une augmentation des apports en glucides et surtout en fibres (+5,2g) mais les apports en protéines diminuent de manière dramatique et plus de 15% de la population ne couvre pas ses besoins minimums.
  • les apports en macronutriments restent stables dans le scénario 2 et augmentent dans le scénario 3.
  • le scénario 1 permet une amélioration de la couverture des besoins en vitamines C, E, B9, magnésium et fer. Les apports en sodium diminuent. Par contre ce modèle augmente le risque de déficience en vitamines A et D et surtout en calcium, comme chez les enfants.
  • le scénario 2 améliore les apports en vitamine E et en magnésium.
  • le scénario 3 permet enfin surtout une meilleure couverture des besoins en calcium et en vitamine A. L’apport de sodium augmente.

Le scénario 2 modifie peu la couverture en nutriments car même en multipliant par 2 les quantités initiales d’aliments riches en protéines végétales, celles-ci restent trop faibles pour avoir une influence  et pour rester sur un apport énergétique égal, la diminution compensatrice des produits animaux est aussi très faible.
Un régime riche en végétaux a des effets positifs : diminution des apports en graisses par exemple et augmentation des fibres insuffisamment consommées mais la diminution des apports en protéines et calcium qu’il engendre doit être surveillée.
De même un régime plus riche en produits laitiers permet une meilleure couverture en certains nutriments (calcium, protéines, vitamine A notamment) mais augmente aussi certains apports qui doivent être contrôlés comme les graisses saturées et le sodium.

Cette étude montre la nécessité d’étudier précisément la balance bénéfices/risques avant toute proposition de modification d’un régime alimentaire, que ce soit au niveau d’une population ou d’un individu.

En outre, il ne faut pas oublier que si certaines recommandations ne sont pas assez précises, elles ne sont pas toujours suivies des résultats escomptés. Ainsi, les recommandations des années 90 visant à la diminution des lipides et à la réduction de l’épidémie d’obésité, ont entraîné une augmentation de la consommation des sucres raffinés qui a sans doute participé à l’augmentation du surpoids.

Cifelli CJ. & al. Increasing plant based foods or dairy foods differentially affects nutrient intakes : dietary scenarios using NHANES 2007-2010. Nutrients 2016 ; 8 : 422. Doi : 10.3390/nu8070422