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Le cholestérol alimentaire est-il vraiment un facteur de risque de maladies cardiovasculaires ?

Brèves scientifiques
Publié le 26/10/2015
Modifié le 14/05/2021
Modifié le 14/05/2021
Temps de lecture : 7 minutes

Si l’hypercholestérolémie est bien un facteur de risque de maladies cardiovasculaires, la réduction de l’apport alimentaire de cholestérol n’apporte vraisemblablement pas de bénéfice avéré en termes de prévention.Cet article revient sur les raisons qui ont conduit à des recommandations restrictives en matière de consommation alimentaire de cholestérol sur plusieurs décennies et sur la révision de ces recommandations, exagérées voire erronées, ces dernières années.

En 1912, en nourrissant des lapins avec de grandes quantités de cholestérol Anitschkow montrait qu’ils développaient des lésions comparables à celles de l’athérosclérose. Puis, en 1957, l’American Heart Association préconisa de limiter les lipides en général et, en 1961, de substituer les acides gras saturés (AGS) par des acides gras polyinsaturés (AGPI). Un peu plus tard, elle ajouta une recommandation de réduction de la consommation de cholestérol à 300mg/jour.

Pourtant, un doute persiste sur le bien fondé des recommandations de restriction du cholestérol alimentaire. Pour preuve, les sociétés savantes européennes d’athérosclérose et de cardiologie ont adopté ces recommandations restrictives en 2011, pour finalement ne plus en faire mention en 2012…

De nombreuses discordances dans les études peuvent s’expliquer par une modulation de l’effet du cholestérol alimentaire sur les lipides plasmatiques en fonction de l’apport énergétique, des  fibres alimentaires et du rapport AGS/AGPI. Ainsi, dans le cadre d’un régime hypolidique, riche en fibres et avec un rapport AGS/AGPI favorable il semble que la consommation de cholestérol n’ait pas d’effet sur le LDL, aussi bien chez des sujets normolipidiques que hyperlipidiques. Il existerait aussi des hypo- et des hyper-répondeurs au cholestérol, mais ceci reste encore mal étayé.

Un essai randomisé montre aussi que la consommation de 3 œufs/jour (250mg de cholestérol par unité) sur 30 jours n’a pas d’effet significatif sur la concentration de LDL totale. En revanche, elle augmente la concentration de LDL larges, qui sont considérés comme les moins athérogènes. La taille des HDL augmente également, ce qui pourrait aussi être favorable.

Le résultat de certaines études qui ont montré des effets néfastes du cholestérol pourraient être dû à aux quantités très élevées et très irréalistes de cholestérol. Ainsi, la fonction endothéliale de souris a été altérée par un régime riche en cholestérol mais celui-ci apportait l’équivalent, pour un humain, de 9 500mg de cholestérol par jour soit 33 œufs par jour…

L’épidémiologie d’observation ne permet pas non plus de conclure à un effet délétère du cholestérol sauf chez les patients diabétiques. Chez ces derniers, on retrouve une corrélation positive entre cholestérol alimentaire et risque cardio-vasculaire, sans qu’on n’en connaisse la raison.

Enfin, deux études d’intervention de grande ampleur sur des sujets à haut risque cardiovasculaire (MRFIT, 12 866 hommes de 35 à 57 ans, et  PREDIMED, 7447 hommes et femmes) ne concluent pas non plus à un effet délétère du cholestérol alimentaire. Dans MRIFT, un groupe recevait des conseils de modération de la consommation de cholestérol et l’autre non (leurs consommations respectives étaient de 269mg/jour et 414mg/jour). Sur 7 ans, la mortalité coronaire n’a pas été diminuée dans le groupe qui modérait sa consommation. Dans PREDIMED, deux régimes qualifiés de « méditerranéens » étaient comparés à un régime hypolipidique. Les deux régimes « méditerranéens » plus riches en cholestérol, en AGS, en AGMI et en AGPI que le régime hypolidique ont réduit de 30% l’incidence des évènements cardiovasculaires.

Les auteurs de l’article concluent ainsi :

« Depuis une cinquantaine d’année, malgré toutes les études épidémiologiques ou d’intervention, il n’a pas été possible de démontrer indubitablement l’importance de la consommation du cholestérol alimentaire sur son taux sérique et sur la survenue des MCV et il semble donc raisonnable de ne pas se focaliser sur ce point dans le cadre de la prévention cardiovasculaire. »

Hansel B, Giral P (2015) Cholestérol alimentaire et morbi/mortalité cardiovasculaire, Cahier de nutrition et de diététique ; 50 :202-208