L’impact environnemental des catégories d’aliments peut se révéler très différent selon l’unité en fonction de laquelle il est exprimé. En effet, selon l’unité de référence considérée (pour 1 kg, pour 100 kcal, pour 1 portion, pour une quantité de nutriment, etc.), certaines catégories alimentaires peuvent s’avérer être plus ou moins impactantes pour l’environnement. De même, l’expression du coût des aliments autrement que par kg de produit permet une comparaison intéressante entre les aliments lorsqu’il s’agit d’identifier des choix alimentaires pour une alimentation durable.
La littérature scientifique, portant sur les choix alimentaires à opérer pour tendre vers une alimentation plus durable, met le plus souvent en avant la nécessité d’augmenter la consommation d’aliments d’origine végétale et réduire ceux d’origine animale en raison de leur impact environnemental plus important. La majorité des études se basent sur les variables d’impact environnemental (impact carbone, eau, eutrophisation…) exprimées pour 1kg de produit, une unité de référence conventionnelle, mais qui ne reflète pas la spécificité, notamment nutritionnelle, des aliments. Or, la FAO a récemment souligné le besoin de considérer d’autres unités de référence (ou Unité fonctionnelle, UF) et d’intégrer la valeur nutritive des aliments lorsqu’il s’agit de comparer leur impact environnemental. Par ailleurs, au-delà de leur impact environnemental, le coût monétaire des aliments est un critère à prendre en compte pour identifier et comparer les choix alimentaires les plus pertinents pour une alimentation durable. A cet égard, l’expression du coût des aliments autrement que par kg de produit permet également d’apporter une information éclairée.
Dans ce contexte, une étude récente a exploré comment le choix d’une unité fonctionnelle (UF) influence le classement des différentes catégories d’aliments en termes d’impacts environnementaux et de coût.
Concrètement, à partir des données de la dernière enquête nationale française sur l’alimentation (INCA3) ainsi que des données de compositions nutritionnelles (CIQUAL), impacts environnementaux (Agribalyse V3.1) et prix moyen (Kantar) de chacun des aliments consommés dans INCA3, les auteurs de l’étude ont estimé et exprimé le coût et les impacts environnementaux de 20 catégories d’aliments selon 4 UF générales (pour 1 kg, 100 kcal, 1 portion, 1 unité d’indicateur de qualité nutritionnelle SAIN/LIM [1]) et 8 UF spécifiques dites « nutriment-spécifique » (pour 50 g de protéines, 30 g de fibres, 110 mg de vitamine C, 750 μg de vitamine A, 330 μg de folates, 4 μg de vitamine B12, 950 mg de calcium ou encore 11 mg de fer). Pour chaque UF utilisée, les auteurs ont ensuite classé les catégories d’aliments en fonction de leurs impacts environnementaux ou de leur coût.
Les résultats mettent en évidence que, selon l’UF utilisée, les classements des catégories d’aliments suivant leur impact environnemental ou leur coût s’avèrent très variables. Par exemple, la catégorie des produits « gras et sucrés » se retrouve en milieu de classement parmi l’ensemble des catégories d’aliments, lorsque les impacts et coûts sont exprimés pour 1 kg d’aliment, et s’avère être très bien classée lorsque les variables sont exprimées pour 100 kcal, du fait de leur forte densité énergétique. Cependant, elle se classe parmi les plus impactantes et les plus coûteuses lorsque c’est l’unité de qualité nutritionnelle SAIN/LIM qui est considérée.
Malgré cette variabilité des classements selon l’UF utilisée, les auteurs soulignent des constances pour certaines catégories d’aliments. En effet, quelle que soit l’UF générale utilisée (pour 1 kg, 100 kcal, 1 portion, 1 unité d’indicateur de qualité nutritionnelle) :
- les légumineuses, les pommes de terre, ainsi que les fruits et les légumes demeurent les catégories d’aliments les mieux classées (moindres coûts et moindres impacts environnementaux) ;
- les catégories « viandes » restent dans le haut du classement des catégories d’aliments ayant des impacts et des coûts élevés. Cependant les écarts d’impact environnemental et de coût avec les autres catégories d’aliments diminuent lorsque les variables ne sont pas exprimées par kg de produit ;
- les produits laitiers et les œufs restent toujours classés en position intermédiaire et parmi les catégories d’aliments d’origine végétale.
Par ailleurs, lorsque les variables sont exprimées en fonction des UF dites « nutriment-spécifique », certaines catégories d’aliments se retrouvent très bien ou très mal classées selon le nutriment étudié. Par exemple, les catégories d’aliments les moins impactantes et les moins couteuses, selon le nutriment étudié, sont les suivants :
- Protéines : les légumineuses, les céréales complètes, les œufs et les produits laitiers ;
- Fibres : les légumineuses et les céréales complètes ;
- Calcium : les produits laitiers ;
- Vitamine A : les matières grasses animales ;
- Vitamine B12 : les œufs, les produits laitiers et les produits de la mer ;
- Vitamine C : les fruits et les jus ;
- Folates : les légumineuses.
Les résultats ainsi obtenus mettent en évidence les spécificités nutritionnelles de chaque catégorie d’aliments, soulignant leur complémentarité.
En conclusion, à travers cette approche qui montre l’influence majeure du choix de l’unité de référence utilisée pour évaluer l’impact environnemental et le coût des aliments, cette étude montre la complexité d’évaluer la durabilité à l’échelle de l’aliment. Elle démontre par ailleurs l’intérêt de la complémentarité entre les produits d’origine végétale et ceux d’origine animale pour tendre vers une alimentation durable.
[1] Ce système permet de classer les aliments selon leurs qualités (score SAIN) et leurs défauts (score LIM) nutritionnels.
VIEUX, F. MAILLOT, M. MARMONIER, C. « et col. » Relative environmental impacts and monetary cost of food categories: Functional unit matters. Ecological Economics, 2025, 234, 108620, (doi: 10.1016/j.ecolecon.2025.108620).